Mal ajusté, un bouchon contre le bruit peut masquer l’origine du danger
Entendre une alarme, c’est bien. Savoir d’où elle vient, c’est vital. En contexte professionnel, cette capacité à localiser une source sonore — un cri d’alerte, un engin en approche, un signal de recul — est essentielle à la sécurité. Mais qu’en est-il lorsqu’un salarié porte un bouchon contre le bruit, de plus si ce dernier est mal ajusté ? Est-il encore capable d’identifier la direction du danger ?
Nous allons tenter de comprendre pourquoi mal ajusté, un bouchon peut masquer l’origine du danger.
L’étude menée par le CHU de Lille (Risoud et al., 2020) explore cette question dans le détail. Elle confirme que certaines protections et certains types de sons altèrent considérablement la localisation sonore, en particulier lorsqu’une oreille est moins stimulée que l’autre (asymétrie auditive).

Localiser un son : un équilibre de trois indices
Le cerveau s’appuie sur trois repères pour localiser un son :
- Différence de temps d’arrivée entre les deux oreilles (ITD)
- Différence de niveau sonore entre les deux oreilles (ILD)
- Indice spectral monaural (lié à la forme du pavillon et au filtrage par la tête – HRTF)
Le port d’un bouchon dans une seule oreille (comme dans l’étude) déséquilibre ces indices, et perturbe donc la localisation.
Ce que montre l’étude
L’expérience menée sur 30 adultes normo-entendants compare la précision de localisation :
- avec et sans bouchon dans une oreille (asymétrie artificielle),
- tête fixe ou mobile,
- pour différents types de sons (grave, aigu, parole, bruit blanc…).
Résultats majeurs :
- Avec un bouchon dans une oreille, les erreurs de localisation explosent.
- Les sons continus centrés sur 2 000 à 4 000 Hz sont les plus mal localisés.
- Les sons impulsionnels à basse fréquence (250 Hz) sont mieux localisés, même avec un bouchon.
- Bouger la tête améliore nettement la localisation, sauf pour les sons très brefs (comme un mot isolé).
Implications pour le travail en milieu bruyant
L’étude confirme que certaines protections auditives peuvent nuire à la capacité à localiser un danger sonore, surtout si elles provoquent une forte atténuation asymétrique (bouchon mal ajusté, usure, mauvaise insertion…).
Les situations critiques incluent :
- Zones de circulation partagée (piétons et engins),
- Espaces industriels où la direction du danger sonore est cruciale,
- Postes où les alarmes visuelles ne suffisent pas.
Bonnes pratiques à retenir
- Éviter les asymétries auditives : attention à la mauvaise insertion d’un bouchon, à l’usure ou à l’oubli sur une oreille.
- Privilégier les protections à atténuation équilibrée et modérée, surtout si l’environnement nécessite une bonne localisation.
- Préférer les sons impulsionnels pour les alarmes ou signaux critiques (plutôt qu’un bruit continu), idéalement autour de 250 Hz.
- Autoriser la rotation de la tête ou permettre une certaine mobilité peut améliorer la localisation, notamment pour les sons aigus.
- Sensibiliser les salariés à l’impact potentiel des PICB sur la localisation sonore.
Conclusion
La prévention auditive ne doit pas nuire à l’orientation spatiale du salarié. Mieux comprendre comment l’oreille localise les sons permet de choisir des protections auditives plus intelligentes, de concevoir des signaux sonores adaptés, et de réduire les accidents liés à une mauvaise perception de l’origine du danger.
Source
Risoud M., Hanson J.-N., Gauvrit F., Renard C., Bonne N.-X., Vincent C.
Azimuthal sound source localization of various sound stimuli under different conditions.
European Annals of Otorhinolaryngology, Head and Neck Diseases, 2020, 137(1), 21–29.
Aller plus loin
Il est également important pour la perception des signaux d’alerte de choisir le bon protecteur