Apple entre sur le marché de la protection auditive
L’obtention par Apple de la certification EN 352 des AirPods Pro 3 marque une rupture dans l’univers des équipements de protection auditive. Cette innovation technologique prometteuse ouvre de nouvelles perspectives, mais impose prudence et discernement avant toute intégration dans les politiques de prévention du risque bruit.


Un marché longtemps figé
Depuis vingt ans, le marché du bouchon anti-bruit a peu évolué.
En 2008, 3M rachetait Aearo et sa gamme de bouchons standards.
En 2009, toujours 3M acquérait auprès de Sonomax le système E-A-Rfit, destiné à vérifier la bonne mise en place des bouchons.
En 2010, Cotral Lab livrait les premières protections sur mesure entièrement fabriquées numériquement.
En 2016, 3M lançait le LEP-100, premier bouchon à affaiblissement adaptatif certifié EPI, dérivé de son produit militaire TEP-100. La version LEP-200, seule à proposer la communication via une boucle d’induction placée autour du cou, nécessite un budget conséquent de 700 à 800 € HT.
Trois univers qui convergent
Deux marchés connexes avec pour l’un d’eux de nombreuses évolutions :
– celui de la prothèse auditive, qui intervient lorsque l’audition est déjà dégradée. L’embout, souvent sur mesure, capte l’environnement sonore pour l’amplifier sur les fréquences affaiblies ;
– celui des écouteurs grand public, où Sony, Bose et Apple maîtrisent désormais à la perfection la réduction active du bruit (ANC) et la « transparence », c’est-à-dire la capacité à restituer le son ambiant de manière naturelle — un principe très proche de celui des aides auditives.
Trois univers distincts se côtoient : la protection, le maintien et le confort auditif. Trois produits qui s’introduisent dans l’oreille et qui, lentement, convergent.
Les écouteurs grand public, lorsqu’ils sont conçus pour s’isoler dans les transports ou au bureau, constituent en pratique une forme de protection auditive mais non certifiée pour le travail.
Leur mode « transparence » permet de capter le son ambiant et de le restituer selon les préférences de l’utilisateur, en superposition à la musique ou en adaptant la réduction active du bruit lors d’une conversation. Cette approche, fondée sur la modulation du signal sonore, reprend des principes issus des prothèses auditives, qui ajustent le gain pour chaque fréquence selon l’audiogramme du porteur.
Les fabricants d’écouteurs sont même allés plus loin en intégrant des fonctionnalités d’aide auditive et de dépistage auditif, comme la possibilité de réaliser un audiogramme via un smartphone afin de personnaliser la restitution sonore. Bien que ces fonctionnalités restent encadrées dans de nombreux pays, notamment la France, elles témoignent d’une maîtrise technologique avancée du signal sonore et de son traitement dans l’oreille.
Une certification EN 352 des AirPods Pro 3 qui change la donne
Le 9 septembre 2024, Apple annonçait l’intégration d’une fonction d’aide auditive à ses AirPods Pro 2. Un an plus tard, la marque va plus loin : ses AirPods Pro 2 et 3 obtiennent la certification selon la norme américaine ANSI et la norme européenne EN 352 en matière de protection de l’audition. Une première mondiale pour des écouteurs grand public qui deviennent ainsi des Équipements de Protection Individuelle (EPI) de catégorie III, utilisables légalement en milieu professionnel dès lors que l’exposition sonore dépasse 80 dB(A) sur 8 heures.
La dernière version est même commercialisée 30€ moins chère que la précédente : 249€ TTC pour les Airpods Pro 3 contre 279€ TTC pour la version 2. Les moyens financiers d’Apple n’ont rien de comparable avec ceux des fabricants traditionnels de prothèses ou de protections auditives. En 2024, la marge générée par la gamme AirPods a dépassé les 10 milliards d’euros, soit davantage que le chiffre d’affaires cumulé des trois leaders mondiaux de la prothèse auditive : Sonova, WS Audiology et Demant. Avec de tels moyens, la marque peut investir massivement dans la recherche et proposer des prix compétitifs.
Apple précise toutefois que cette fonctionnalité de protection de l’audition ne convient pas à tous les environnements de travail et recommande de consulter l’employeur avant toute utilisation. Le principe repose sur la combinaison de deux technologies : la réduction passive du bruit assurée par les embouts en silicone, et la réduction active grâce à la puce H2.
Une révolution technologique sous surveillance
Cette entrée d’un géant de la tech dans le champ réglementé de la protection auditive ouvre des perspectives inédites, mais aussi de nouvelles questions pour les responsables HSE et les services de santé au travail.
Elle marque une convergence historique entre santé, technologie et sécurité au travail. Si les AirPods certifiés promettent une adoption facilitée grâce à leur ergonomie et à leur connectivité, ils imposent également un renouvellement des pratiques HSE : vérification des niveaux d’atténuation, encadrement d’usage et mise à jour des plans de prévention.


Cette certification bouleverse la donne. Elle offre une alternative ultra-moderne et socialement acceptée aux protections traditionnelles, parfois boudées pour leur inconfort ou leur manque de fonctionnalités de communication.
L’un des plus grands défis de la prévention reste d’assurer le port permanent de l’EPI. Les AirPods, produits de consommation courante et appréciés, pourraient considérablement augmenter l’acceptation et l’observance, c’est-à-dire le port sur 100 % du temps d’exposition.
Le mode « transparence », adapté à l’environnement sonore, permet de maintenir l’alerte auditive (machines, alarmes) et la communication interpersonnelle sans retirer la protection — un avantage majeur par rapport aux bouchons passifs.
L’intégration des fonctionnalités de santé auditive (audiogramme, suivi d’exposition) peut aussi renforcer la sensibilisation des salariés, même si ces outils ne remplacent évidemment pas un examen audiométrique réalisé par un professionnel de santé au travail.
Un tournant technologique, mais pas une solution universelle
L’arrivée d’un acteur comme Apple, avec un produit grand public certifié EPI, constitue une rupture technologique et économique majeure. C’est une opportunité d’améliorer l’observance des règles de port et de bénéficier d’une technologie d’atténuation adaptative, tout en rendant la prévention plus attractive.
Mais cette innovation doit être abordée avec pragmatisme. Les AirPods Pro sont une solution technique supplémentaire, qui doit être intégrée de manière rigoureuse dans la politique de prévention du risque bruit. La technologie peut servir la sécurité, à condition que le cadre d’utilisation, l’ajustement et le suivi soient irréprochables pour garantir une protection réelle de l’audition.
Les responsables HSE devront donc évaluer au cas par cas les postes, les conditions d’exposition et la compatibilité avec les exigences réglementaires avant toute mise en œuvre.
Un dossier complet, comprenant tests, mesures, retours d’expérience et recommandations pour la mise en œuvre des AirPods Pro 3 en entreprise, sera disponible début 2026 pour les abonnés.
Attendez la lecture de ce dossier : certaines contraintes et comparaisons avec d’excellentes protections passives pourraient vous convaincre que l’urgence est d’attendre, et que la population cible des AirPods dans votre entreprise n’est peut-être pas celle que vous imaginez.
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Lien vers le site Apple avec un aperçu des fonctionnalités des AirPods Pro 3


