Boîtes de nuit, concerts, niveaux de bruit à risques
Fréquenter régulièrement des lieux avec des niveaux de bruit à risques – boîtes de nuit, concerts, festivals – expose à un risque réel de perte auditive, encore largement sous-estimé. L’étude conduite en Australie par une équipe de chercheurs en audiologie met en lumière un paradoxe inquiétant : la majorité des usagers reconnaît le danger, mais peu se protègent.
Les résultats concernent autant le monde du spectacle que les professionnels de la sécurité, de la restauration, de l’événementiel et de la santé publique.

Des niveaux de bruit très au-dessus des seuils de sécurité
L’étude a été menée dans 12 lieux de divertissement à Perth (Australie), avec :
- 303 participants (clients et personnel),
- mesures de bruit en différents points (scène, bar, toilettes),
- enquête sur les symptômes auditifs et l’usage de bouchons.
Les résultats sont sans appel :
- Niveau sonore moyen : 95 dB(A),
- Pointes jusqu’à 115 dB(A) près des enceintes,
- Durée moyenne d’exposition : près de 5 heures par session.
À 95 dB(A), la limite d’exposition sans protection est dépassée après 48 minutes. Ces valeurs dépassent largement les seuils professionnels réglementaires.
Des effets perceptibles dès la sortie
Parmi les participants :
- 64 % ont déclaré un effet indésirable après exposition (tinnitus, gêne auditive, maux de tête),
- 56 % ont souffert d’acouphènes,
- 16 % ont constaté une perte auditive temporaire,
- 16 % ont signalé des maux de tête,
- Et seulement 17 % portaient des bouchons d’oreilles.
Les femmes et les jeunes adultes (moins de 26 ans) sont les moins enclins à porter une protection auditive, malgré un niveau de gêne souvent équivalent.
Les campagnes de sensibilisation : peu d’impact
Fait surprenant : seuls 17 % des répondants se souvenaient avoir entendu parler d’une campagne de prévention sur le bruit. Et cette information n’a eu aucun effet significatif sur leur comportement.
Le facteur le plus associé au port de bouchons ?
Avoir déjà souffert d’un symptôme auditif lié au bruit.
Autrement dit : beaucoup ne se protègent qu’après avoir été atteints.
Pourquoi les bouchons sont-ils si peu utilisés ?
L’étude montre que l’image sociale du port de bouchons est un frein majeur :
- Les femmes et les jeunes adultes les évitent par crainte du jugement ou du ridicule.
- Le confort, l’esthétique et l’accessibilité jouent aussi un rôle.
- Même offerts gratuitement par les lieux, seule une faible minorité se dit prête à les porter.
Ce que cela implique pour les professionnels
- Dans les événements bruyants, proposer des bouchons ne suffit pas.
- Il faut intégrer la prévention auditive dès la conception de l’événement :
- Réduction volontaire des volumes sonores,
- Zones de repos auditif,
- Distribution proactive et accompagnée de bouchons adaptés,
- Affichage clair des risques (messages visuels, QR codes, témoignages…),
- Formations aux équipes encadrantes (sécurité, bar, technique…).
L’étude montre qu’une réglementation des niveaux sonores serait plus efficace que les campagnes isolées.
Conclusion
L’expérience auditive est centrale dans les lieux de divertissement. Mais elle ne doit pas se faire au prix de pertes auditives durables. Les professionnels peuvent agir : en changeant les comportements, mais aussi en adaptant l’environnement. Réduire les volumes, créer des temps de repos auditif, favoriser l’acceptabilité sociale des bouchons… autant d’actions possibles dès aujourd’hui.
Source
Goggin, L. S., Eikelboom, R. H., Edwards, G. S., et al. (2008). Noise levels, hearing disturbances, and use of hearing protection at entertainment venues. The Australian and New Zealand Journal of Audiology, 30(1), 50–58.
Aller plus loin
Consultez l’article sur le Traumatisme sonore : quand un bruit laisse des traces durables