Le bruit et les solvants : l’effet cocktail qui décuple les risques
Rédigé par deux chercheurs de l’université d’Ulsan en Corée du Sud et publié en 2021 (IntechOpen), cette étude sur le bruit et les solvants fait le point sur l’état des connaissances autour de la perte auditive professionnelle. Il apporte une contribution majeure : démontrer que certains solvants et métaux lourds, lorsqu’ils sont inhalés ou manipulés sur le lieu de travail, peuvent aggraver les effets du bruit sur l’oreille. Or, ce risque chimique est encore largement ignoré dans les politiques de prévention.

1. La perte auditive n’est pas que sonore : le rôle des substances ototoxiques
Certains produits peuvent altérer les cellules ciliées de l’oreille interne ou les voies auditives centrales :
- Les solvants organiques (toluène, xylène, trichloréthylène),
- Les métaux lourds (plomb, mercure),
- Certains asphyxiants (monoxyde de carbone).
La classification du Nordic Expert Group distingue trois catégories selon la robustesse des preuves. Les substances de catégorie 1 (fortes preuves chez l’homme et l’animal) incluent le toluène, le plomb et le monoxyde de carbone. Ces substances peuvent à elles seules provoquer une perte auditive, et leurs effets sont synergiques avec ceux du bruit, même en dessous des seuils réglementaires.
2. Le bruit et les solvants : un effet cocktail qui décuple les risques
Les travaux cités montrent que :
- L’exposition conjointe à des solvants (toluène, styrene, xylène) et au bruit augmente significativement le risque de surdité ;
- Plus la durée d’exposition est longue et plus le nombre de solvants est élevé, plus la perte est importante ;
- Le risque est multiplié par 4 à 8 chez les travailleurs exposés aux deux (contre ceux exposés uniquement au bruit).
Les tests électrophysiologiques révèlent aussi un impact des solvants sur le système auditif central (ralentissement des réponses auditives), ce que ne montre pas toujours l’audiogramme classique.
3. Prévention insuffisante : un angle mort des politiques de santé au travail
Malgré les preuves scientifiques :
- Les seuils réglementaires ne tiennent pas compte de la co-exposition au bruit et aux substances ototoxiques ;
- Les entreprises n’évaluent pas systématiquement ce risque, même dans les secteurs exposés (impression, peinture, nettoyage industriel…) ;
- Les audiogrammes classiques peuvent passer à côté des atteintes centrales ou précoces.
Les auteurs recommandent d’inclure l’ototoxicité dans les campagnes de prévention, d’utiliser des tests plus sensibles (otoémissions, potentiels évoqués) et de réduire conjointement le bruit et les produits chimiques au poste.
Conclusion
Ce chapitre rappelle que la perte auditive professionnelle ne se résume pas au bruit seul. Les solvants, métaux et autres substances ototoxiques jouent un rôle majeur, souvent sous-estimé. En prévention, cela impose une approche intégrée du risque auditif, associant bruit, produits, durée d’exposition et facteurs individuels. Une politique efficace de protection de l’audition ne peut plus ignorer le risque chimique.
Source
Kwon, J. K., & Lee, J. (2021). Occupational Hearing Loss. In J. K. Kwon & J. Lee (Eds.), Hearing Loss – From Multidisciplinary Teamwork to Public Health (pp. 1–18). IntechOpen.
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