Faut-il s’inquiéter de l’impact des casques à réduction de bruit actif sur le traitement auditif chez les jeunes ?

Depuis quelques années, les casques à réduction de bruit actif (ANC) sont devenus des objets quotidiens pour de nombreux jeunes adultes. Confort accru, concentration facilitée, protection contre les bruits urbains… leurs avantages sont indéniables. Mais certains audiologistes s’interrogent désormais sur leurs effets à long terme sur la capacité du cerveau à traiter les sons.

casques à réduction de bruit actif
Outre le risque de ne pas entendre son environnement et ses dangers, la réduction active du bruit peut perturber, lors d’un usage fréquent, notre perception

Une plainte de plus en plus fréquente : « J’entends, mais je ne comprends pas »

Les services d’audiologie du NHS en Angleterre observent une tendance préoccupante : des jeunes se plaignent de difficultés à suivre une conversation ou à localiser une source sonore, alors que les tests auditifs classiques ne révèlent aucune perte d’audition. Ce type de plainte renvoie souvent à un trouble méconnu : le trouble du traitement auditif (APD – Auditory Processing Disorder).

Dans l’APD, ce n’est pas l’oreille qui est en cause, mais la manière dont le cerveau interprète les sons. Résultat : dans un environnement bruyant, la personne peut percevoir la voix de son interlocuteur, mais ne pas la comprendre, ou ne pas réussir à se concentrer sur elle.

Le rôle des casques à réduction de bruit actif en question

Certains audiologistes, comme ceux du Royal National ENT Hospital à Londres, s’interrogent : l’usage prolongé de casques à réduction de bruit actif (ANC) pourrait-il contribuer à ce type de difficulté ? En effet, ces dispositifs créent un environnement sonore « filtré », dans lequel l’utilisateur n’est exposé qu’aux sons qu’il choisit. Cela pourrait perturber le développement ou le maintien des compétences cérébrales permettant de trier les sons importants de ceux qui ne le sont pas.

Claire Benton, vice-présidente de la British Academy of Audiology, parle même d’un « faux monde sonore », dans lequel le cerveau n’est plus exercé à gérer la complexité de la scène sonore naturelle. Elle rappelle que les capacités d’analyse auditive se développent jusqu’à la fin de l’adolescence — une période où l’usage de ces casques est très répandu.

Des symptômes sous-estimés et un accès limité aux soins

Les troubles de type APD restent largement méconnus. Une enquête menée en 2024 auprès des audiologistes britanniques a révélé que seuls 4 % d’entre eux se disent bien formés sur ce sujet. L’accès à un diagnostic complet est rare, et les délais d’attente peuvent atteindre 9 mois dans les structures spécialisées.

Chez les enfants, les signes se manifestent souvent à l’école : distraction en classe, difficulté à suivre les consignes orales, confusion entre des sons proches. Chez l’adulte, cela peut se traduire par une fatigue accrue dans les environnements bruyants, une gêne en réunion ou en soirée, voire une forme d’isolement social.

Quels leviers d’action pour les entreprises ?

Pour les professionnels de santé au travail, ces constats posent plusieurs questions concrètes :

  • Faut-il recommander ou limiter l’usage des casques à réduction de bruit actif en entreprise ?
  • Peut-on intégrer le dépistage de l’APD dans les visites médicales ?
  • Comment accompagner les salariés qui se plaignent d’« entendre mais ne pas comprendre » ?

En l’état actuel des connaissances, il ne s’agit pas de diaboliser les casques à réduction de bruit actif — qui peuvent avoir un intérêt pour la prévention du traumatisme sonore — mais d’encourager un usage modéré et conscient. Certains modèles proposent un « mode transparence » qui laisse passer les bruits ambiants. C’est une piste à privilégier, surtout chez les jeunes utilisateurs.

Par ailleurs, des exercices de « discrimination auditive » ou des entraînements à l’écoute dans le bruit (via des applis mobiles, par exemple) peuvent aider à rééduquer les capacités cérébrales de traitement des sons. Des dispositifs comme les microphones directionnels ou les aides auditives à faible amplification peuvent aussi être utiles dans certains contextes professionnels.

En conclusion

Le lien entre casques à réduction de bruit actif (ANC) et troubles du traitement auditif n’est pas démontré, mais les signaux d’alerte sont là. Pour les médecins et infirmiers du travail, il est crucial de prendre en compte ces plaintes atypiques, de sensibiliser les salariés à une écoute active, et de se former aux troubles du traitement auditif — encore trop souvent ignorés.

Source

Karpel, H. (2025, 16 février). Are noise-cancelling headphones to blame for young people’s hearing problems? BBC News.