Communiquer dans le bruit, protecteurs auditifs à atténuation plate

Dans les environnements professionnels bruyants, communiquer dans le bruit efficacement est un enjeu de sécurité et de performance. Pourtant, le port de protecteurs auditifs est souvent perçu comme un obstacle à la communication. Ce paradoxe mérite d’être nuancé : dans certaines conditions, porter une protection auditive peut au contraire améliorer l’intelligibilité de la parole. Encore faut-il choisir le bon type de protection. Nous allons voir ici en quoi les protecteurs auditifs à atténuation uniforme peuvent optimiser la communication dans le bruit.

Communiquer dans le bruit
Un protecteur efficace mais non adapté peut mettre en danger l’audition de ses utilisateurs

Le bruit, un ennemi de la communication

Lorsqu’un bruit intense est présent, plusieurs phénomènes affectent la capacité de comprendre un message :

  • Saturation de la cochlée, rendant l’oreille incapable de distinguer les signaux utiles ;
  • Effet de masquage : les fréquences du bruit recouvrent celles de la parole ;
  • Éloignement ou orientation du locuteur, réduisant le niveau perçu ;
  • Fatigue cognitive, liée à un effort de concentration accru.

Résultat : la compréhension baisse, la parole devient difficilement intelligible, ce qui pousse certains travailleurs à retirer leurs protecteurs pour mieux entendre… augmentant ainsi leur risque auditif.

Améliorer l’intelligibilité avec une bonne protection

Une protection auditive correctement choisie et bien portée permet de réduire le niveau global du bruit, sans masquer exagérément la parole. Elle évite la saturation de l’oreille interne, permettant au cerveau de mieux discriminer les signaux utiles.

Une étude [1] réalisée en 2013 par HearingProTech (Niel & Nexer) a montré que, à niveaux d’atténuation comparables, les protecteurs à réponse uniforme (affaiblissement linéaire sur les fréquences) permettaient une reconnaissance de mots améliorée de 20 % par rapport à des protections classiques à atténuation non linéaire.

Communiquer dans le bruit, les protecteurs auditifs à atténuation uniforme
Sur le graphique ci-dessus on voit clairement la différence d’atténuation entre un filtre plat et un filtre classique. Le filtre plat (en vert) génère une distorsion maximum de 10 décibels, quand le filtre classique (en violet) a un écart de 25 décibels entre son affaiblissement le plus bas et le plus haut.

Communiquer dans le bruit, pourquoi une réponse uniforme est préférable ?

Un protecteur à atténuation uniforme filtre le bruit sans déformer le spectre de la parole. En d’autres termes :

  • Les sons utiles (voix) sont atténués au même titre que le bruit ;
  • Le timbre de la voix est préservé, ce qui facilite sa reconnaissance ;
  • L’effort vocal du locuteur peut rester modéré, évitant une surarticulation nuisible ;
  • L’auditeur ne subit pas de distorsion fréquentielle, ce qui réduit l’effet de fatigue.

À l’inverse, une protection classique (à forte pente d’atténuation) atténue plus les hautes fréquences. Or ce sont justement les hautes fréquences qui portent l’essentiel de l’intelligibilité (consonnes, attaques de mots, transitions).

Données issues de la perception des actifs et éléments validés par la littérature scientifique

Une enquête [2] menée par l’Ifop pour l’association JNA (2020) révèle que plus d’1 actif sur 2 déclare des difficultés de compréhension de la parole dans son environnement de travail, que ce soit lors d’échanges en poste, en réunion ou au téléphone. La gêne auditive est accentuée par le bruit ambiant mais aussi par des facteurs comme le port du masque, les open-spaces ou la visioconférence.

Ces données confirment que le besoin de compréhension dans le bruit est important, et que la qualité de l’environnement sonore — et donc du filtrage acoustique — a un impact direct sur la communication.

  • Casali & Robinson (2000) ont montré [3] que chez des sujets normo-entendants, certains protecteurs pouvaient améliorer la compréhension dans le bruit par rapport à une condition sans protection, à condition que l’atténuation soit modérée et bien répartie.
  • La norme européenne EN 458 recommande l’usage de protections à affaiblissement plat lorsque la reconnaissance des signaux est critique (messages vocaux, alarmes) [4].
  • La thèse [5] de Cécile Le Cocq (2010) rappelle que le principal obstacle à la communication avec protecteurs réside dans la distorsion du signal, pas uniquement son affaiblissement.
  • Des études d’audiométrie [6] vocale confirment que l’intelligibilité chute moins avec une atténuation modérée et régulière qu’avec un filtrage sélectif.

Protections avec systèmes de communication intégrés

En complément des bouchons ou casques à réponse uniforme, il existe des protecteurs auditifs intégrant des systèmes de communication :

  • Casques reliés à des radios professionnelles ou talkies-walkies,
  • Systèmes Bluetooth permettant de téléphoner ou de recevoir des instructions,
  • Microphones et haut-parleurs internes pour communiquer tout en maintenant la protection.

Ces solutions sont particulièrement utiles en milieux mobiles, bruyants, ou nécessitant une coordination à distance. Elles doivent cependant être bien ajustées à l’environnement sonore pour ne pas masquer les signaux d’alerte.

Conclusion

Une bonne communication dans le bruit n’est pas incompatible avec la protection auditive. Elle en dépend même, à condition de choisir des protecteurs à atténuation uniforme, bien adaptés à l’environnement sonore et correctement portés. Le bon protecteur n’est pas celui qui isole le plus, mais celui qui permet d’entendre l’essentiel, en toute sécurité.

Sources

  1. Niel & Nexer, HearingProTech, Étude interne sur la reconnaissance de la parole avec protections auditives, 2013.
  2. Ifop pour la Journée Nationale de l’Audition (2020). Comprendre la parole au travail, un défi ? – Enquête nationale réalisée auprès de 1064 actifs occupés, 12-14 septembre 2020, à l’occasion de la Semaine de la Santé Auditive au Travail.
  3. Robinson, G. S., & Casali, J. G. (2000). Speech communications and signal detection in noise. Theoretical Issues in Ergonomics Science, 1(4), 357–367.
  4. EN 458:2016 – Protection individuelle contre le bruit – Recommandations relatives à la sélection, à l’utilisation, aux soins et à l’entretien des protecteurs auditifs.
  5. Le Cocq, C. (2010). Communiquer dans le bruit : étude de l’intelligibilité vocale avec des protecteurs auditifs, thèse, Université de Lyon.
  6. Goujon, F. (2012). Audiométrie vocale – Étude de l’intelligibilité dans le bruit chez le normo-entendant et détermination de courbes vocales de référence. Thèse de doctorat en médecine, Université Henri Poincaré – Nancy 1.