Directive 2003/10/CE : Prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’exposition au bruit
La Directive 2003/10/CE, adoptée le 6 février 2003, définit les prescriptions minimales de protection des travailleurs contre les risques liés au bruit sur leur lieu de travail. Elle est la dix-septième directive particulière au sens de la Directive 89/391/CEE, qui établit les principes généraux de prévention en matière de santé et sécurité au travail.
L’objectif principal de cette directive est de prévenir les dommages auditifs liés à l’exposition prolongée au bruit, notamment la perte auditive irréversible.

1. Champ d’application et objectifs
La directive s’applique à toutes les activités professionnelles où les travailleurs sont exposés à des niveaux sonores susceptibles de présenter un risque pour leur santé et leur sécurité.
Elle impose aux États membres de l’Union européenne d’adopter des dispositions légales nationales afin de garantir une protection minimale contre le bruit, tout en laissant la possibilité d’appliquer des règles plus strictes.
2. Définition des paramètres d’exposition au bruit
Pour évaluer l’exposition des travailleurs au bruit, la directive définit plusieurs paramètres clés :
🔹 Pression acoustique de crête (dB(C)) : Valeur maximale instantanée de la pression acoustique mesurée avec une pondération fréquentielle C.
🔹 Niveau d’exposition quotidienne au bruit (LEX,8h en dB(A)) : Moyenne pondérée du niveau sonore sur une journée de travail de 8 heures.
🔹 Niveau d’exposition hebdomadaire au bruit (LEX,8h en dB(A)) : Moyenne pondérée sur une semaine de travail de 5 jours, utile pour les activités avec des variations d’exposition quotidiennes importantes.
3. Valeurs limites et seuils d’action
La directive fixe trois seuils d’exposition pour déclencher des actions de prévention :
Seuil d’exposition | Niveau d’exposition quotidienne (LEX,8h) | Pression acoustique de crête (dB(C)) |
Valeurs d’exposition inférieures déclenchant l’action | 80 dB(A) | 135 dB(C) |
Valeurs d’exposition supérieures déclenchant l’action | 85 dB(A) | 137 dB(C) |
Valeurs limites d’exposition avec protecteur (VLE) | 87 dB(A) | 140 dB(C) |
⚠ Important
- Les valeurs limites d’exposition (87 dB(A)) et 140dB(C) intègrent l’atténuation des protecteurs auditifs.
- Les valeurs d’exposition déclenchant l’action (80 et 85 dB(A)) ne prennent pas en compte l’affaiblissement des protections auditives.
4. Obligations des employeurs
La directive impose aux employeurs de déterminer et évaluer les risques liés au bruit et de mettre en place des mesures de prévention adaptées.
4.1 Évaluation des risques
L’employeur doit évaluer et mesurer les niveaux de bruit auxquels les travailleurs sont exposés en tenant compte :
✔ De la nature du bruit (continu, impulsionnel).
✔ De la durée d’exposition et des variations possibles.
✔ Des effets sur la santé (groupes à risques, substances ototoxiques).
✔ Des interactions possibles avec d’autres signaux sonores (signaux d’alarme).
Les résultats de cette évaluation doivent être documentés et mis à jour régulièrement.
4.2 Mesures de prévention
Si les seuils d’action sont dépassés, l’employeur doit réduire l’exposition au bruit en priorité par des mesures techniques et organisationnelles :
✔ Réduction du bruit à la source (machines moins bruyantes, capotages).
✔ Réorganisation du travail (limitation des durées d’exposition).
✔ Conception des postes de travail pour limiter la réverbération sonore.
✔ Formation des travailleurs sur les risques et les bonnes pratiques.
Si ces mesures ne suffisent pas, le port de protecteurs auditifs devient obligatoire.
5. Protection individuelle contre le bruit
Lorsque l’exposition dépasse les valeurs d’exposition inférieures déclenchant l’action (80 dB(A)), l’employeur doit fournir gratuitement des protecteurs auditifs adaptés aux travailleurs.
🔹 À partir de 85 dB(A), le port des protections devient obligatoire.
🔹 L’efficacité des protecteurs doit être vérifiée régulièrement pour garantir une protection suffisante sans surprotection.
6. Signalisation et accès aux zones bruyantes
Les lieux de travail où l’exposition sonore dépasse 85 dB(A) doivent être :
✔ Signalés par des panneaux indiquant l’obligation de protection auditive.
✔ Délimités et restreints à certaines catégories de travailleurs si possible.
Les employeurs doivent également réduire le bruit dans les locaux de repos pour garantir un environnement sain pour la récupération auditive.
7. Surveillance médicale et suivi de l’audition
🔹 Les travailleurs exposés à plus de 85 dB(A) doivent bénéficier d’un suivi médical régulier, incluant des examens audiométriques.
🔹 Ce suivi est aussi recommandé dès 80 dB(A) si des risques pour la santé sont identifiés.
🔹 En cas de détection d’une perte auditive due au bruit, l’employeur doit :
✔ Réévaluer l’exposition du salarié.
✔ Renforcer les mesures de prévention et d’atténuation.
✔ Affecter, si nécessaire, le travailleur à un poste moins bruyant.
8. Dérogations et cas particuliers
Dans certains secteurs (musique, spectacle, navigation maritime), des dérogations peuvent être accordées si :
✔ Il est impossible d’appliquer intégralement les protections auditives.
✔ Des mesures alternatives sont mises en place pour limiter les risques.
✔ La surveillance de l’audition des travailleurs est renforcée.
9. Information et formation des travailleurs
L’employeur doit former et informer les travailleurs sur :
✔ Les risques du bruit et ses effets sur la santé.
✔ Les seuils d’exposition et leurs implications.
✔ L’utilisation correcte des protecteurs auditifs.
✔ Les bonnes pratiques pour limiter l’exposition.
Cette formation doit être répétée régulièrement et mise à jour selon les avancées scientifiques et techniques.
10. Transposition et mise en œuvre
Les États membres de l’UE ont dû transposer la Directive 2003/10/CE dans leur législation nationale avant le 15 février 2006.
Des délais spécifiques ont été accordés pour certains secteurs comme :
✔ Le personnel maritime (délai supplémentaire de 5 ans).
✔ Les travailleurs du spectacle et de la musique (délai de 2 ans pour l’élaboration d’un code de conduite spécifique).
Conclusion
La Directive 2003/10/CE est une référence clé pour la prévention des risques liés au bruit en milieu professionnel.
✔ Elle fixe des valeurs limites d’exposition claires et oblige les employeurs à réduire l’exposition sonore autant que possible.
✔ Elle privilégie les mesures techniques et organisationnelles avant le recours aux protections individuelles.
✔ Elle impose une surveillance médicale pour détecter et prévenir les atteintes auditives.
En appliquant ces mesures, les entreprises assurent la protection auditive de leurs salariés et réduisent le risque de surdité professionnelle.
Sources
DIRECTIVE 2003/10/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 6 février 2003 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l’exposition des travailleurs aux risques dus aux agents physiques (bruit)