Exposition au bruit : + de 5 millions de salariés exposés en France

L’exposition au bruit reste un risque sanitaire majeur, souvent sous-estimé. En 2019, selon l’étude publiée en avril 2025 par Santé publique France dans le BEH (Bulletin épidémiologique hebdomadaire), plus de 5,3 millions de travailleurs étaient exposés à des niveaux sonores potentiellement nocifs, dont près de 2 millions à des niveaux lésionnels. Cette enquête nationale, fondée sur une matrice emplois/expositions croisée avec les données de recensement, dresse un panorama précis de l’exposition au bruit dans l’ensemble des secteurs professionnels en France.

Cet article en propose une synthèse pour les responsables HSE, infirmières du travail et référents du risque bruit, avec les implications concrètes en matière de prévention.

Deux niveaux de danger à connaître pour l’exposition au bruit

L’étude distingue deux types d’exposition :

• Le niveau non lésionnel (70 à 80 dB(A)Lex,8h) : fatigue auditive, acouphènes, stress, troubles cardiovasculaires.
• Le niveau lésionnel (≥ 80 dB(A)Lex,8h) : risque de surdité irréversible, pathologie reconnue comme maladie professionnelle (tableaux n°42 et 46).

La réglementation française impose une action de prévention dès 80 dB(A) sur 8 heures et un port obligatoire de protections à partir de 85 dB(A).

Chiffres clés de l’exposition en France

• 20,5 % des travailleurs exposés à ≥70 dB(A), soit 5 334 860 personnes
• 7,3 % exposés à un niveau lésionnel ≥80 dB(A), soit 1 909 020 personnes
• 80 % des exposés sont des hommes
• Les salariés représentent 85 % des exposés

Les secteurs les plus touchés

Les secteurs les plus concernés sont :

• Bâtiment et travaux publics (BTP) : 1,3 million de travailleurs exposés, dont plus de 700 000 à un niveau lésionnel
• Mécanique et travail des métaux : la plus forte proportion d’exposés (77,9 %), dont plus de la moitié à un niveau lésionnel
• Maintenance, industries de process, agriculture : autres secteurs à forte prévalence

Certaines catégories professionnelles sont systématiquement exposées : ouvriers qualifiés et non qualifiés, conducteurs d’engins, mécaniciens, agents de maintenance.

Un risque sous-estimé… et sous-déclaré

En 2022, seulement 320 cas de surdité ont été reconnus en maladie professionnelle dans le régime général. Pourtant, une commission parlementaire estime que près de 16 000 cas n’auraient pas été déclarés cette même année. Le décalage entre réalité épidémiologique et reconnaissance administrative est frappant.

Par ailleurs, les dispositifs de mesure (matrices, enquêtes terrain) ne tiennent pas compte du port réel des protections auditives, ni de leur efficacité effective, souvent réduite par des erreurs d’utilisation.

Prévention : cibler les efforts là où le risque est le plus élevé

La cartographie fine de l’exposition permet d’orienter les actions :

1. Cibler les FAP les plus exposées (BTP, métal, maintenance…) dans les plans de prévention
2. Former les encadrants à la lecture des niveaux Lex,8h et à la réglementation
3. Intégrer la prévention dans les DUERP de façon dynamique
4. Mesurer l’exposition réelle sur le terrain, y compris dans les secteurs non industriels (tertiaire bruyant, agriculture…)
5. Contrôler l’usage des PICB, en particulier sur les postes à expositions brèves mais intenses
6. Prévoir une surveillance médicale spécifique pour les postes exposés à partir de 70 dB(A)Lex,8h

Conclusion

Le bruit n’est pas un risque marginal. Il touche un actif sur cinq et peut altérer gravement la santé auditive et cardiovasculaire. Cette étude de Santé publique France dresse un constat solide, fondé sur les meilleures données disponibles, et offre un levier précieux pour la mise en œuvre d’une prévention ciblée, efficace et justifiée.

Source

Delabre L., Houot M., Pelletan J.-B., Fort E., Pilorget C., Massardier-Pilonchéry A. L’exposition professionnelle au bruit en France en 2019. BEH n°6, 1er avril 2025, Santé publique France.