Fonction de transfert liée à la tête (HRTF) : comprendre comment notre morphologie influence l’écoute


Chaque être humain perçoit l’espace sonore à sa manière.
La forme de notre tête, de nos pavillons, de notre torse et de nos conduits auditifs modifie la façon dont le son arrive à nos tympans.
C’est ce que les acousticiens appellent la Head-Related Transfer Function (HRTF), ou en français « fonction de transfert liée à la tête ».
Cette notion, bien connue dans le domaine de la recherche audio, trouve aujourd’hui des applications concrètes dans les technologies du grand public : casques, systèmes de réalité virtuelle, aides auditives… et même certains écouteurs intra-auriculaires récents, comme les AirPods Pro 3 d’Apple, qui utilisent la caméra du téléphone pour estimer la morphologie de l’utilisateur.
Qu’est-ce qu’une fonction de transfert liée à la tête (HRTF) ?
La HRTF décrit la manière dont un son est filtré par le corps humain avant d’atteindre le tympan.
Lorsqu’un son provient de l’avant, de l’arrière ou du dessus, il est réfléchi, diffracté et atténué différemment selon la forme de la tête, des pavillons et du conduit auditif.
Le cerveau apprend à décoder ces différences de spectre et de délai entre les deux oreilles pour déterminer la direction d’origine du son.
Chaque individu possède ainsi sa propre « empreinte acoustique », aussi unique qu’une empreinte digitale.
Dans les laboratoires, ces fonctions sont mesurées à l’aide de microphones placés dans les oreilles d’un sujet exposé à des sons venant de multiples directions.
Les valeurs obtenues sont ensuite utilisées pour recréer un son en trois dimensions lors d’une écoute au casque, en appliquant les filtres correspondants à chaque direction virtuelle.
Applications concrètes
Les HRTF sont utilisées dans plusieurs domaines :
– Réalité virtuelle et augmentée : elles permettent de créer des environnements sonores cohérents avec les mouvements de tête.
– Aides auditives et dispositifs médicaux : elles servent à optimiser la localisation spatiale des sons pour des utilisateurs appareillés.
– Audio spatial et cinéma immersif : elles donnent la sensation qu’un son se trouve réellement devant, derrière ou au-dessus de l’auditeur.
– Recherches sur la protection auditive : certaines études utilisent des HRTF pour simuler comment les bouchons d’oreille modifient la perception spatiale et le confort auditif.
Enjeux pour la santé au travail
La recherche sur les HRTF ouvre des perspectives intéressantes pour la prévention auditive :
– une meilleure compréhension des différences inter-individuelles dans la perception du bruit,
– des dispositifs de protection plus compatibles avec la localisation sonore,
– une réduction possible de la fatigue auditive grâce à une restitution plus naturelle des signaux d’alerte ou de communication.
Les HRTF rappellent que l’audition n’est pas qu’une question de décibels : c’est aussi une question de perception spatiale et d’interaction entre la physiologie et l’acoustique.
Conclusion
La fonction de transfert liée à la tête traduit la singularité acoustique de chaque individu.
Longtemps réservée aux laboratoires, elle entre aujourd’hui dans les produits grand public et pourrait inspirer de futures innovations dans la protection auditive professionnelle.
Mieux comprendre la HRTF, c’est mieux comprendre comment nous entendons le monde… et comment le protéger.
Sources
– Blauert J. (1997). Spatial Hearing: The Psychophysics of Human Sound Localization. MIT Press.
– Middlebrooks J. C., Green D. M. (1991). Sound localization by human listeners. Annual Review of Psychology, 42, 135-159.
– Valentine A. et al. (2024). Assessing the multidimensional comfort of earplugs in virtual industrial noise environments. Applied Acoustics.
– Poissenot-Arrigoni A. et al. (2022). Morphologic clustering of earcanals using deep learning algorithm to design artificial ears dedicated to earplug attenuation measurement.


