La perte auditive professionnelle un enjeu sous-estimé
Un article publié dans une revue scientifique internationale en 2020 par Kou-Huang Chen et ses collègues (Taiwan) indique clairement que la perte auditive professionnelle un enjeu sous-estimé. L’article synthétise 105 études réalisées entre 2000 et 2020. Elle propose une vision globale de la perte auditive liée au bruit professionnel, en analysant sa prévalence, ses mécanismes, et les mesures de prévention efficaces. Réalisée à partir de bases de données médicales internationales (PubMed, Embase, Web of Science), elle confirme que la perte auditive liée au bruit est la maladie professionnelle la plus fréquente au monde. L’étude souligne le caractère irréversible de cette atteinte auditive, les limites actuelles des traitements, et surtout l’importance des stratégies de prévention fondées sur l’ingénierie, la surveillance, et la formation.

Une maladie professionnelle silencieuse, mais massive
L’exposition au bruit en milieu professionnel est responsable de 16 % des cas de perte auditive invalidante dans le monde. Les secteurs les plus touchés sont la construction, l’industrie, l’agriculture, l’armée et la musique. Aux États-Unis, jusqu’à 58 % des ouvriers du bâtiment sont concernés. Si la perte auditive liée au bruit ne provoque pas de mortalité directe, elle constitue un handicap majeur, affectant la communication, la cognition, la santé mentale, et même la sécurité au travail. Elle est aussi associée à un risque accru d’accidents et de maladies cardiovasculaires.
Un dommage irréversible et multifactoriel
La perte auditive liée au bruit est le plus souvent bilatérale et symétrique, avec une encoche typique à 4 kHz. Elle peut apparaître après des expositions continues (>85 dB(A)) ou suite à des pics sonores courts mais intenses (>130 dB SPL). Une exposition prolongée entraîne la destruction irréversible des cellules ciliées de l’oreille interne. L’étude met aussi en lumière des lésions invisibles à l’audiogramme standard : les atteintes synaptiques, qui altèrent la compréhension dans le bruit, même sans baisse de seuil mesurée.
Cette vulnérabilité est aggravée par des facteurs individuels (âge, tabac, maladies chroniques, médicaments ototoxiques) et génétiques. Les femmes pourraient être partiellement protégées par les effets hormonaux (œstrogènes).
Prévention : l’unique levier efficace aujourd’hui pour limiter la perte auditive
La perte auditive liée au bruit étant irréversible, la prévention est la seule voie d’action concrète. Les auteurs insistent sur trois piliers complémentaires :
- Réduction du bruit à la source : par l’ingénierie ou l’organisation du travail.
- Protection auditive individuelle : bouchons ou casques, avec formation obligatoire à leur utilisation.
- Surveillance auditive régulière : avec audiogrammes adaptés aux fréquences critiques.
L’étude insiste : les bouchons mal positionnés sont inefficaces. Les campagnes de sensibilisation et les interventions éducatives sont donc indispensables. Enfin, les traitements à base d’antioxydants sont encore au stade expérimental.
Conclusion
La perte auditive liée au bruit est une maladie invisible, mais lourde de conséquences humaines, sociales et économiques. Cette étude bibliographique montre que sa prévention repose sur des mesures simples mais souvent négligées : adaptation technique, formation des salariés, et suivi médical rigoureux. Tant que la réparation des cellules ciliées restera impossible, protéger l’audition restera un acte vital.
Source
Chen K.-H., Su S.-B., Chen K.-T. (2020). An overview of occupational noise-induced hearing loss among workers: epidemiology, pathogenesis, and preventive measures. Environmental Health and Preventive Medicine, 25:65.
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