Le bruit au travail un risque sous-estimé pour la santé auditive des salariés

Le bruit au travail est omniprésent dans l’industrie. Il est souvent considéré comme une nuisance inévitable, voire « normale ». Pourtant, l’exposition prolongée au bruit est responsable de troubles auditifs irréversibles, mais aussi de stress, de perturbation du sommeil, de baisse de la concentration et même d’accidents du travail. Cet éditorial publié dans le Journal of Biomedika and Health fait le point sur les conséquences du bruit et les mesures concrètes pour prévenir la surdité professionnelle (ONIHL).

bruit au travail un risque sous-estimé

Un problème important mais invisible

  • Aux États-Unis, 22 millions de travailleurs sont exposés chaque année à des niveaux de bruit préoccupants. Environ 19 % présentent une perte auditive liée au travail.
  • Au Canada, 38 % des travailleurs exposés déclarent une perte d’audition.
  • En Indonésie, des études rapportent une prévalence de surdité professionnelle de 22 à 34 %, avec des niveaux sonores mesurés entre 85 et 103 dB dans l’industrie du bois, les ateliers, ou encore sur les ferries.

Comment reconnaître une perte auditive liée au bruit ?

La perte auditive induite par le bruit (ONIHL) affecte principalement les fréquences de 3 à 6 kHz, tout en préservant parfois celle de 8 kHz. Elle est progressive, irréversible, et souvent non perçue par le travailleur.

Des signes avant-coureurs peuvent être détectés :

  • Acouphènes fréquents (51 % des travailleurs exposés s’en plaignent, surtout les jeunes),
  • Besoin de parler fort pour être entendu à 1 mètre,
  • Impression d’oreilles bouchées ou de perte auditive temporaire après le travail.

L’usage d’écouteurs personnels au travail (musique) augmente fortement le risque d’acouphènes : 94,1 % des travailleurs concernés en souffrent.

Les facteurs aggravants du bruit au travail

Outre l’intensité sonore (≥85 dB), d’autres facteurs aggravent la surdité :

  • Durée d’exposition : après 10 ans d’exposition à >85 dB, le risque de surdité double, et le risque de perte sévère est multiplié par 6.
  • Exposition combinée à des solvants organiques, fumées de soudure, CO ou H₂S : effet neurotoxique synergique sur le nerf auditif.
  • Âge, sexe, génétique, habitudes personnelles (musique au casque).

Prévention : le programme de conservation de l’audition

La prévention repose sur une stratégie hiérarchisée, recommandée par le NIOSH :

  1. Éliminer la source sonore si possible.
  2. Substituer des machines plus silencieuses.
  3. Contrôler techniquement (encoffrement, isolement acoustique…).
  4. Mesures administratives : rotation des postes, zones de repos calmes.
  5. Équipement de protection individuelle (EPI) : bouchons ou coquilles efficaces et confortables.

Autres recommandations :

  • Mesures régulières du bruit au poste,
  • Dosimétrie personnelle, idéale pour sensibiliser les salariés,
  • Audiométrie annuelle pour un dépistage précoce,
  • Formation et sensibilisation systématique des équipes.

Conclusion

La surdité professionnelle n’est ni une fatalité ni un effet secondaire du travail industriel : c’est un dommage évitable, à condition de mettre en place des mesures efficaces. L’éditorial rappelle qu’un programme structuré de conservation de l’audition est non seulement nécessaire, mais urgent pour préserver la santé auditive et la productivité des salariés.

Source

Lie T Merijanti S. (2022). Noise Exposure and Hearing Health in the Workplace. Jurnal Biomedika dan Kesehatan, 5(3), 132–135.