Les professionnels de la musique et le risque auditif

Longtemps perçue comme un art ou une passion, la musique est aussi un métier à risques. Les professionnels de la musique et du son, musiciens, techniciens du son, régisseurs lumière et tous les professionnels exposés à la musique amplifiée sont soumis à des niveaux sonores qui dépassent régulièrement les seuils de danger pour l’audition. L’étude bibliographique exhaustive publiée par l’INRS dans sa note scientifique et technique NS 370 en 2020 révèle une réalité préoccupante : l’exposition sonore dans ces métiers est non seulement fréquente, mais souvent suffisamment intense pour entraîner des troubles auditifs irréversibles.

Cet article propose aux responsables HSE, infirmières du travail et référents du risque bruit un éclairage synthétique sur les niveaux d’exposition, les atteintes auditives constatées, et les stratégies concrètes de prévention.

Reconnaître le risque : des expositions supérieures aux seuils réglementaires

Les professionnels de la musique et du son - des travailleurs surexposés au risque auditif

Que ce soit dans la musique classique ou la musique amplifiée, les niveaux d’exposition enregistrés dans les études dépassent régulièrement 85 dB(A) sur 8 heures, seuil réglementaire à partir duquel des actions de prévention sont obligatoires en entreprise.

Dans les orchestres symphoniques, les instrumentistes à vent (cuivres, bois), les percussionnistes et même les violonistes (du côté gauche de l’oreille) sont particulièrement exposés, avec des pics atteignant 129 dB(A) et des niveaux moyens oscillant entre 88 et 95 dB(A). Du côté des musiques amplifiées, les expositions relevées lors des concerts et répétitions vont de 92 à 115 dB(A), avec des niveaux crête dépassant régulièrement les 137 dB(C).

Des troubles auditifs variés et largement sous-déclarés

Les atteintes auditives chez ces professionnels ne se limitent pas à une simple baisse d’audition. On observe :

  • des pertes auditives typiques des expositions au bruit (NIPTS), notamment entre 3 et 6 kHz,
  • des asymétries gauche/droite fréquentes, notamment chez les instrumentistes à cordes,
  • une prévalence élevée d’acouphènes (jusqu’à 50 % selon certaines études),
  • des cas d’hyperacousie et de diplacousie, invalidants pour les professionnels du son.

Souvent banalisés ou mal pris en charge, ces troubles peuvent devenir chroniques et impactent directement la qualité de vie et la performance professionnelle.

La prévention : un impératif, mais rarement bien structuré

Malgré les constats alarmants, la prévention reste peu systématique :

  • Solutions collectives (traitement acoustique, organisation spatiale) peu mises en œuvre,
  • Protections individuelles rarement portées, en raison d’une gêne perçue pour la qualité sonore,
  • Surveillance médicale non ciblée sur l’audition,
  • Information et formation très variables selon les structures.

Pourtant, les données scientifiques sont claires : le risque est réel, documenté, et évitable.

Niveaux d'exposition sonore de crête pour les professionnels de la musique
Quelques exemples des niveaux de crête que subissent les musiciens ou professionnels de la musique (non référencés dans l’étude)

Recommandations clés pour les entreprises

  1. Mesurer les niveaux d’exposition sur site.
  2. Informer et former les professionnels à la prévention auditive.
  3. Proposer des protections adaptées, comme des bouchons filtrants sur mesure (NDLA : de préférence équipées de filtres plats).
  4. Intégrer une surveillance médicale spécifique à l’audition.
  5. Aménager les espaces de travail pour réduire l’exposition globale.

Conclusion

Le secteur musical ne peut plus ignorer le risque auditif. Il est temps que la prévention rejoigne la scène, pour que les professionnels de la musique puissent continuer à exercer leur métier dans de bonnes conditions… et avec une audition préservée.

Source

Trompette N., Venet T. Exposition sonore et risque auditif pour les professionnels de la musique et du son : revue bibliographique. INRS, Notes scientifiques et techniques, NS 370, janvier 2020.

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