Maladies professionnelles 2024 : où en est réellement la surdité liée au bruit ?


La branche Accidents du Travail et Maladies Professionnelles (AT/MP) de l’Assurance Maladie a publié son rapport annuel 2024 le 18 novembre dernier. Ce document, particulièrement riche, confirme plusieurs tendances structurelles importantes pour les entreprises et les services de santé au travail. Il met également en lumière la place spécifique occupée par les atteintes auditives liées au bruit lésionnel.
Une évolution marquée des AT et des MP en 2024
En 2024, la branche AT/MP couvre 20,8 millions de salariés et un peu plus de 2,5 millions d’établissements. Les accidents du travail diminuent légèrement (–1,1 %) tandis que les maladies professionnelles poursuivent leur progression (+6,7 %). Cette évolution s’inscrit dans la tendance amorcée depuis 2022 : baisse continue des AT, augmentation des MP, qui retrouvent désormais leur niveau d’avant la crise sanitaire.
L’année 2024 a été marquée par 1 297 décès liés au travail : 764 accidents du travail, 318 accidents de trajet et 215 maladies professionnelles. Ces chiffres sont en augmentation, un des pires résultats d’Europe.
Les indemnités journalières connaissent une nouvelle hausse pour atteindre 4,9 milliards d’euros.
Quelle place occupe la surdité professionnelle en 2024 ?
Sur 133 373 maladies professionnelles déclarées en 2024, seules 50 598 ont été reconnues, soit 38 %. La répartition par grandes familles reste très proche des années précédentes : les troubles musculosquelettiques représentent 88,4 % des MP reconnues, loin devant les pathologies hors tableau (troubles psychiques…), l’amiante ou les cancers hors amiante. Les atteintes auditives provoquées par les bruits lésionnels représentent 247 cas, soit 0,5 % du total, ce qui place la surdité professionnelle à la cinquième place.
Une progression de +5 % des atteintes auditives avec une sous déclaration persistante
Même si la part relative des atteintes auditives reste faible, leur progression est notable : +5 % en 2024 après plusieurs années de baisse. Cette hausse doit être interprétée avec prudence, car elle intervient dans un contexte où les instances publiques soulignent de longue date une sous-déclaration massive des maladies professionnelles liées au bruit. Une commission parlementaire rappelait en 2022 que, pour 320 cas reconnus cette année-là, environ 16 000 cas auraient pu être non déclarés. Ce phénomène est confirmé par les travaux de la Cour des comptes, qui alerte depuis 2020 sur les conséquences financières de cette sous-déclaration, transférant indûment une partie des coûts vers la branche maladie du régime général.
Un écart très important entre hommes et femmes


Le rapport 2024 confirme également un fait marquant : Alors que depuis 2023, les maladies professionnelles concernent davantage les femmes (52 % des cas), les cas de surdités font toutefois exception. Sur les 247 MP reconnues pour bruit lésionnel, 97 % concernent des hommes et seulement 3 % des femmes, soit 7 cas. En 2023 la situation était proche avec H : 96 % et F : 4%. L’écart est très marqué et plusieurs hypothèses peuvent être retenues : sous-déclaration potentiellement plus importante chez les femmes, meilleures pratiques de prévention, évolution progressive des trajectoires professionnelles ou encore moindre exposition historique des femmes aux postes les plus bruyants.
Un écart d’une telle ampleur est sidérant et il impose de comprendre ses causes réelles et, si nécessaire, d’engager des actions ciblées pour éviter que ce déséquilibre ne perdure.
Coût réel des MP liées au bruit : 161 943 € en moyenne
L’impact financier des atteintes auditives reste considérable. Selon le tableau 57 du rapport, les MP liées au bruit lésionnel représentent un total de 40 millions d’euros de dépenses en 2024. Rapporté aux 247 cas reconnus, le coût moyen s’élève à 161 943 € par maladie professionnelle. Cette estimation illustre clairement le poids économique du bruit en entreprise : même si le nombre de cas reconnus reste faible, le coût pour la branche AT/MP demeure élevé, avec des conséquences directes sur les cotisations et la tarification collective et individuelle.
Enjeux pour les HSE et les services de santé au travail
Pour les entreprises, l’enjeu n’est donc pas uniquement réglementaire. La prévention du bruit et l’efficacité réelle des protecteurs auditifs ont des impacts humains, organisationnels et financiers majeurs. La très faible proportion de MP reconnues ne reflète probablement pas la réalité des atteintes auditives en milieu de travail. Les données 2024 doivent être lues comme un signal : la progression des cas, la sous-déclaration persistante et les coûts associés rappellent l’importance d’une stratégie cohérente de prévention et de vérification de la protection réelle des salariés exposés.
Conclusion
Les données 2024 confirment une réalité déjà bien connue des professionnels du risque bruit : la surdité professionnelle reste sous-reconnue, sous-déclarée et pourtant très coûteuse pour la collectivité. Le faible nombre de cas reconnus ne doit pas masquer les milliers de salariés qui restent potentiellement insuffisamment protégés. Les responsables HSE et les services de santé au travail disposent ici de chiffres fiables pour renforcer la prévention, améliorer les pratiques, et replacer la question de la protection auditive dans la politique globale de santé au travail.
Source
Assurance Maladie – Risques Professionnels. Rapport annuel 2024 : éléments statistiques et financiers. Publication du 18 novembre 2025.
Aller plus loin
Consultez l’article sur l’exposition au bruit en France
Consultez également l’article sur le rapport de l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail (EU-OSHA) : Exposition au bruit au travail : une préoccupation majeure en Europe


