Comment améliorer le port continu des protections auditives au travail ?
Le port continu des protections auditives reste un défi majeur pour la prévention du risque bruit. Une récente étude menée en Chine auprès de 524 ouvriers du secteur manufacturier analyse pourquoi certains salariés portent leurs protections tout au long de la journée, tandis que d’autres les retirent régulièrement. Les résultats mettent en lumière trois leviers essentiels et complémentaires : le niveau de connaissance, le confort ressenti et l’organisation du travail.
Contexte et méthode


Les salariés interrogés travaillent dans trois usines du Guangdong, exposés à des niveaux de bruit compris entre 80 et 97 dB(A). Ils utilisent principalement des bouchons d’oreilles — en mousse ou préformés — et parfois des casques antibruit. Les chercheurs ont recueilli leurs réponses à un questionnaire portant sur cinq dimensions :
- les connaissances sur le risque et les protections,
- les attitudes vis-à-vis des EPI
- le confort perçu (physique et fonctionnel)
- le comportement de port (considéré comme « régulier » s’il couvre au moins 90 % du temps d’exposition)
- l’environnement de travail (type de poste, travail posté, influence des collègues, formation)
Les données ont été analysées à l’aide d’une méthode statistique permettant d’identifier quels facteurs influencent directement le port régulier (comme le confort) et lesquels agissent plutôt de manière indirecte (comme la formation, qui améliore les connaissances, lesquelles favorisent à leur tour le port). Les réponses étant déclaratives, il faut garder à l’esprit qu’un léger biais de surestimation du port réel est possible.
Résultats clés
Environ 70 % des participants affirment porter leur protection auditive pendant la quasi-totalité du temps d’exposition. Les salariés les mieux formés ont des attitudes plus positives envers les PICB et les portent plus régulièrement. Concrètement, une meilleure compréhension du risque et des bons gestes de mise en place s’accompagne d’un comportement plus rigoureux. Le confort joue également un rôle décisif : des protections jugées inconfortables, mal adaptées ou gênantes pour communiquer sont plus souvent retirées avant la fin de la journée. Enfin, le travail posté ou la rotation entre différents postes réduit la probabilité de port continu, notamment lorsque les protections ne sont pas facilement accessibles à chaque changement de zone.
L’analyse statistique permet de mesurer le poids de chaque facteur sur le port régulier. Les résultats montrent que la connaissance du risque et le confort d’utilisation ont l’impact le plus fort sur le comportement, alors que certaines contraintes organisationnelles, comme le travail posté, peuvent le freiner.
Interprétation et limites


Le port régulier dépend à la fois du savoir, du vouloir et du pouvoir.
- Le savoir renvoie aux connaissances concrètes sur le bruit, ses effets et les bonnes pratiques de mise en place et d’entretien.
- Le vouloir s’appuie sur les attitudes et l’influence des collègues, qui structurent la culture sécurité de l’entreprise, de l’atelier, du chantier…
- Le pouvoir traduit le confort réel des dispositifs et les conditions de travail qui facilitent ou empêchent le port continu.
L’étude a été réalisée à un instant donné, sans suivi dans le temps ; elle met donc en évidence des liens entre facteurs, sans prouver que l’un cause directement l’autre. Les modèles précis de protections ne sont pas détaillés et le contexte industriel chinois peut différer des pratiques européennes, ce qui invite à la prudence dans la transposition des chiffres exacts.
Actions concrètes pour les entreprises pour un port continu des protections auditives
Renforcer la connaissance du risque bruit. Organiser des sessions de sensibilisation courtes et régulières ; expliciter les effets du bruit, les seuils d’exposition, le choix du PICB et les limites des EPI ; expliquer la mise en place correcte ; vérifier l’appropriation par de brefs quiz ou des observations terrain.
Choisir des protections réellement confortables. Tenir compte des deux dimensions du confort : physique (taille, pression, irritation) et fonctionnelle (facilité d’insertion, stabilité, gêne à la communication). Tester plusieurs modèles sur site avant le déploiement.
Faciliter l’accès aux protections. Pour les bouchons standards : mettre des distributeurs ou points de mise à disposition à proximité de chaque poste et dans toutes les zones, notamment pour les équipes en rotation, prévoir un réassort simple et visible, afin que le salarié n’ait jamais à chercher sa protection. Pour le sur-mesure et les casques assurez-vous que chaque salarié emporte ses protections.
Préserver la communication et la sécurité. Identifier les situations nécessitant une communication claire et choisir des filtres ou systèmes communicants adaptés, ou des signaux visuels complémentaires. Adapter les consignes pour qu’elles ne soient pas bloquées par l’EPI.
S’appuyer sur la dynamique des équipes. Valoriser les bons comportements, désigner des salariés référents sécurité ou ambassadeurs bruit, et instaurer une culture d’entraide autour du port des EPI.
S’inscrire dans une démarche globale de prévention. La hiérarchie des moyens de prévention impose d’agir d’abord sur la source du bruit (réduction technique), puis sur l’organisation (isolement, temps d’exposition), avant de recourir aux équipements de protection individuelle.
Conclusion
Le port continu des protections auditives ne dépend pas seulement du dispositif choisi. Il repose sur un équilibre entre information, confort et organisation. Former les salariés, leur donner les moyens pratiques de porter leur protection toute la journée et créer une culture collective du port restent les leviers les plus efficaces pour préserver l’audition dans la durée.
Sources :
Guo, J., Shu, L., Wen, W., et al. (2024). The influencing factors of hearing protection device usage among noise-exposed workers in Guangdong Province: a structural equation modeling-based survey. BMC Public Health, 24, 1044.
World Health Organization (2025). Deafness and hearing loss – Fact sheet.
CDC/NIOSH (2024). Preventing Occupational Noise-Induced Hearing Loss.
Aller plus loin
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