Protéger sans couper l’écoute – le défi des protections auditives intelligentes

Ce que nous apprend l’armée sur la protection auditive active et sélective et comment protéger sans couper l’écoute.

Dans les environnements extrêmes, comme les zones de tir ou les véhicules blindés, le bruit peut atteindre des niveaux capables de provoquer un traumatisme sonore en une seule exposition. Mais dans ces mêmes environnements, l’oreille reste un outil critique de communication, de vigilance, et de survie.

Le défi militaire, partagé par certains secteurs civils (industrie lourde, sécurité, BTP, secours…), est donc clair : protéger l’audition sans couper le lien auditif avec l’environnement. C’est tout l’enjeu des développements récents en matière de protecteurs auditifs à atténuation adaptative, active ou électronique.

Une donnée clé : un TSA (Traumatisme Sonore Aigüe) sur trois évitable

Entre 2005 et 2007, une étude épidémiologique a recensé les traumatismes sonores aigus dans les armées françaises. Résultat : un cas sur trois aurait pu être évité si les soldats avaient correctement porté une protection adaptée lors des entraînements et formations​.

Cette donnée rappelle que le port d’un EPI efficace ne va pas de soi. Il dépend :

  • du niveau de confort et d’acceptation du dispositif,
  • de la capacité à maintenir une communication efficace,
  • de la formation au port réel et à la bonne insertion.
Protéger sans couper l'écoute

Panorama des technologies de protection auditive

L’ISL distingue plusieurs types de protecteurs auditifs, dont certains sont transposables en industrie :

  1. Casques passifs : atténuation constante, bonne dans les moyennes et hautes fréquences, faible en basses. Communication difficile sans radiophonie.
  2. Bouchons passifs : très efficaces dans les basses fréquences… à condition d’être bien insérés. Mal positionnés, ils perdent jusqu’à 20 dB d’efficacité.
  3. Casques à atténuation active (ANR) : suppriment activement les basses fréquences, particulièrement utiles en milieux mécaniques (véhicules, moteurs).
  4. Bouchons non linéaires : atténuation faible à modérée pour les sons faibles, forte pour les sons impulsionnels (tir, impact). Permettent une communication directe à faible bruit ambiant.
  5. Systèmes talk-through (casques ou bouchons électroniques) : filtrent le bruit mais restituent la parole via micro et haut-parleur, avec compression automatique en cas de bruit impulsif.

Le dilemme : trop protéger peut nuire à la mission

Protéger ne doit pas isoler. L’étude rappelle que l’intelligibilité de la parole est directement liée au succès des missions militaires. Un soldat incapable d’entendre un ordre ou une alerte est un soldat exposé​.

Ce constat s’applique aussi :

  • aux conducteurs d’engins,
  • aux pompiers en intervention,
  • aux techniciens en usine ou maintenance.

C’est pourquoi les systèmes modernes doivent :

  • filtrer les bruits nocifs,
  • laisser passer les signaux utiles (voix, alarmes),
  • maintenir un niveau sonore ambiant confortable (75–80 dBA),
  • être compatibles avec les autres EPI (casques, lunettes, masques…).

L’exemple de la double protection optimisée

Sur les canons de 155 mm, les militaires utilisent une double protection combinant :

  • un casque talk-through (communication + filtration électronique),
  • un bouchon non linéaire (filtrage des impulsions).

Ce couple permet d’atteindre un haut niveau de protection tout en maintenant la communication, et d’allonger la durée d’exposition tolérable sans risque auditif.

Conclusion

Ce rapport militaire illustre ce que la prévention civile commence à intégrer : la protection auditive ne peut être efficace que si elle s’adapte à l’environnement, au niveau sonore, à la mission, et à l’humain.

Les dispositifs actifs, adaptatifs et hybrides permettent aujourd’hui d’allier sécurité et efficacité opérationnelle, à condition d’être bien choisis, bien utilisés et bien maintenus.

Dans les environnements à hauts risques, entendre peut sauver. Mais entendre sans être protégé, c’est s’abîmer à coup sûr.

Sources

Hamery P., Buck K., Zimpfer V. (ISL – Institut Saint Louis). Les équipements de protection individuelle contre le bruit en milieu opérationnel militaire. Acoustique et Défense, n°66, 2021.

Aller plus loin

Consultez cet autre article sur un filtre passif destiné aux militaires le Filtre anti-impulsionnel