Réduire à néant la protection auditive en quelques minutes
En matière de prévention des risques liés au bruit, une protection auditive, aussi performante soit-elle sur le papier, n’est efficace que si elle est portée… réellement. Or, dans de nombreuses entreprises, les salariés exposés au bruit retirent ponctuellement leur bouchon pour parler, respirer, se soulager d’un inconfort, ou simplement par oubli. Ce geste, a priori anodin, peut suffire à réduire à néant la protection auditive en quelques minutes

Une baisse exponentielle de l’atténuation de la protection auditive
Un bouchon offrant 30 dB d’atténuation en laboratoire n’aura pas la même efficacité sur le terrain s’il n’est pas porté en continu pendant toute la durée d’exposition. Et la perte n’est pas linéaire : plus le temps de non-port augmente, plus la chute de performance est rapide.
Prenons un exemple concret : un salarié exposé 8 heures à un niveau sonore constant, qui retire son bouchon pendant seulement 15 minutes, voit l’atténuation réelle chuter à environ 15 dB. En d’autres termes, la moitié de la protection est perdue en un quart d’heure.
Ce phénomène est expliqué par le fait que le bruit est une énergie : l’exposition cumulée dépend du niveau sonore, mais aussi de la durée. La formule utilisée pour calculer l’atténuation réelle moyenne est indiquée dans les sources en fin d’article.
Quand 15 minutes suffisent à tout changer
Voici la courbe illustrant la perte d’atténuation effective en fonction du temps de non-port (en jaune, pour un bouchon de 30 dB porté sur une journée de 8 heures) :

Ce graphique montre que :
- À 15 minutes de non-port, l’atténuation effective tombe à 17 dB.
- À 30 minutes, elle chute sous 15 dB.
- Au-delà d’1 heure sans port, la protection devient presque nulle.
Une information encore trop peu connue
Les chiffres sont sans appel, mais ils restent encore trop peu connus sur le terrain. De nombreux travailleurs pensent qu’un retrait ponctuel n’est pas grave. Pourtant, les recherches de l’INRS confirment cette tendance : une minute de non-port peut faire perdre jusqu’à 5 dB de protection effective (INRS, ED 6510).
La sensibilisation des salariés à cette réalité physique est donc essentielle. Il ne s’agit pas de culpabiliser, mais de faire comprendre que chaque minute compte, et que la continuité du port est aussi importante que le choix du protecteur.
Agir sur les causes du non-port
L’autre levier d’action est de réduire les raisons qui poussent au retrait :
- Inconfort physique ou douleur → adapter le modèle à la morphologie de l’utilisateur.
- Surprotection ou gêne à la communication → revoir le niveau d’atténuation.
- Difficulté à mettre ou retirer le bouchon → former les utilisateurs et choisir des modèles faciles à manipuler.
- Non-respect par habitude ou négligence → redonner du sens à la démarche de prévention.
Source
La méthode utilisée pour estimer l’atténuation effective repose sur le calcul du niveau sonore équivalent (Leq) selon la norme ISO 1999:2013. Cette approche, basée sur une moyenne logarithmique pondérée des périodes avec et sans port, se retrouve sous la forme :
LEX,8h = LpAeq,Te + 10⋅log (T0 / Te)
où
LEX,8h est le niveau d’exposition au bruit normalisé sur 8 heures,
LpAeq,Te correspond au niveau sonore équivalent durant la période Te,
Te est la durée effective d’exposition
T0=8 h le temps de référence standard, conformément aux directives ISO 1999:2013 .
Aller plus loin
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