Spectral Flatness Index : indice des écarts fréquentiels des protecteurs auditifs
Spectral Flatness Index : nouvel indice pour protecteurs auditifs
Deux protecteurs auditifs peuvent afficher un même niveau d’atténuation global (SNR) tout en produisant des comportements fréquentiels très différents. L’un atténue de manière régulière sur l’ensemble du spectre, préservant la perception naturelle de l’environnement. L’autre présente des variations importantes selon les fréquences, modifiant la qualité du son perçu, la compréhension de la parole ou la détection de signaux d’alerte.
Les indicateurs actuellement utilisés, notamment le SNR et la différence H–L, ne permettent pas de quantifier précisément ces variations internes. Ils n’offrent qu’une information synthétique sur le niveau d’atténuation global ou sur deux moyennes fréquentielles. L’analyse détaillée des écarts entre fréquences demeure donc absente.
Le Spectral Flatness Index (SFI) propose un indicateur unique capable de décrire la régularité de l’atténuation d’un protecteur auditif sur l’ensemble des fréquences normalisées. Il apporte un éclairage complémentaire sur la qualité “spectrale” de la protection.
Pourquoi un nouvel indicateur ?
Le critère H–L (écart entre l’atténuation moyenne aux basses fréquences et celle aux hautes fréquences) est utilisé depuis longtemps pour apprécier l’équilibre fréquentiel d’un protecteur. Plus l’écart entre le H et le L est faible, plus l’affaiblissement est considéré comme uniforme.
Toutefois, cette méthode souffre d’une limite majeure : elle ne prend en compte que deux moyennes (H et L). De fortes variations internes à chaque moyenne peuvent être masquées. Deux protecteurs possédant le même H–L peuvent ainsi présenter des profils fréquentiels très différents.
Le SFI répond à ce manque. Il analyse les valeurs d’atténuation fréquence par fréquence, éliminant les biais liés aux moyennes et révélant la variabilité réelle de l’atténuation dans le spectre audible.
Définition du Spectral Flatness Index
Le SFI quantifie l’écart entre la moyenne des atténuations « Mf » mesurées lors du test REAT (méthode subjective avec sujets humains) conformément à la norme ISO 4869-1, sur les sept fréquences normalisées : 125 Hz – 250 Hz – 500 Hz – 1 kHz – 2 kHz – 4 kHz – 8 kHz.
Ces valeurs « Mf » proviennent des rapports de certification EN 352, réalisés par les laboratoires accrédités.
Le SFI correspond à un écart type appliqué directement aux valeurs d’atténuation moyennes (Mf ) exprimées en décibels.
Il indique la dispersion des atténuations autour de leur moyenne :
• SFI faible : atténuation régulière sur le spectre
• SFI élevé : atténuations très variables selon les fréquences
Plus le SFI est proche de 0 meilleur est le protecteur en termes de restitution fidèle de l’environnement.
Le calcul s’appuie sur les valeurs Mf et non sur les APV, afin d’éviter l’influence des marges statistiques et de conserver une lecture strictement spectrale.
Interprétation des résultats
Le graphique ci-dessus présente les valeurs SFI de 40 protecteurs individuels contre le bruit.
Une majorité des produits étudiés sont des bouchons sur mesure (en vert), reflétant leur forte présence sur le marché professionnel et la disponibilité de leurs données d’atténuation.
Les résultats montrent que les protecteurs dont l’atténuation est la plus uniforme sont majoritairement des bouchons sur mesure. Les fabricants Cotral Lab et Elacin occupent la majorité des premières positions, indiquant des profils fréquentiels particulièrement équilibrés.
Les casques anti-bruit (orange) montrent, dans cet échantillon, des SFI plus élevés, traduisant des variations d’atténuation plus importantes entre les fréquences.
Existe-t-il un lien entre le niveau d’atténuation d’un protecteur et son uniformité spectrale ?
L’analyse (graphique ci-dessus) ne montre pas de relation entre le niveau d’atténuation global (SNR) et l’uniformité spectrale de l’atténuation (SFI).
Dans cet échantillon, plusieurs protecteurs très atténuateurs, comme Qeos Orange C3 ou EarSoft FX (33 et 34 dB de SNR), présentent une répartition régulière de l’atténuation sur les sept fréquences normalisées.
Un protecteur à affaiblissement plat et SNR élevé a-t-il un intérêt ?
Lorsque l’objectif est de préserver la communication orale dans le bruit, il convient de tenir compte du niveau sonore ambiant.
Au-delà d’environ 93 dB(A), la communication de proximité devient fortement dégradée, même avec un protecteur à réponse uniforme.
Ce résultat est issu de l’étude Effet du protecteur individuel contre le bruit sur la communication dans le bruit (2013).
Dans les environnements où un fort niveau d’atténuation est indispensable, un protecteur à réponse uniforme peut offrir un avantage : en limitant la sur-atténuation des hautes fréquences, il réduit le risque de masquage des signaux d’alerte situés dans les bandes 1–4 kHz, phénomène observé avec certains protecteurs à réponse irrégulière.
Ces cas doivent être évalués au regard des exigences de la norme EN ISO 7731 relative aux signaux acoustiques de sécurité.
Pourquoi la régularité spectrale compte ?
L’atténuation d’un protecteur auditif n’agit jamais de manière uniforme sur l’ensemble du spectre. Deux modèles pouvant afficher le même SNR peuvent produire des perceptions très différentes en raison de leur répartition fréquentielle.
Une atténuation trop irrégulière peut :
• réduire la compréhension de la parole (zones critiques entre 500 Hz et 4 kHz) ;
• altérer la localisation et la reconnaissance des signaux d’alerte ;
• modifier la qualité sonore perçue, générant une gêne ou une fatigue auditive ;
• inciter certains salariés à desserrer, mal positionner ou retirer leur protection.
La régularité spectrale contribue donc directement au confort auditif, à la perception de l’environnement sonore, à la communication et à la continuité du port. Elle constitue un élément clé dans l’évaluation qualitative d’un protecteur, complémentaire de son niveau global d’atténuation.
Intérêt pour les HSE, médecins du travail et préventeurs
L’utilisation du SFI dans le choix des protecteurs auditifs permet de :
• Identifier les modèles dont l’atténuation varie fortement d’une fréquence à l’autre.
• Privilégier les protecteurs à atténuation régulière, favorisant la compréhension de la parole, la localisation sonore et une perception fidèle de l’environnement.
• Comparer objectivement des protecteurs affichant un SNR similaire mais des réponses fréquentielles différentes.
• Réduire les risques de sous-protection ou de surprotection ciblée, notamment dans les zones fréquentielles importantes pour la voix (500 Hz – 4 kHz).
Le SFI n’est pas un critère de sélection primaire. Le protecteur doit d’abord fournir un niveau d’atténuation adapté à l’exposition du porteur. Il constitue cependant un complément essentiel pour intégrer la dimension spectrale de l’atténuation, absente des indicateurs usuels.
Limites du Spectral Flatness Index
Le SFI est un indicateur utile, mais il doit être interprété avec discernement :
• Il ne mesure pas le niveau global d’atténuation (SNR, H, M, L).
• Il ne renseigne pas sur la qualité d’ajustement en conditions réelles.
• Il ne reflète pas le confort mécanique ou la compatibilité avec l’EPI de tête.
• Il ne remplace pas l’analyse réglementaire de l’exposition ni le fit-testing individuel.
• Il dépend directement de la qualité des données REAT publiées par le fabricant.
Il constitue un indicateur complémentaire, focalisé sur la dimension fréquentielle de l’atténuation.
Conclusion
Le Spectral Flatness Index apporte une lecture nouvelle de la performance des protecteurs auditifs. Il ne s’agit plus uniquement de quantifier l’atténuation globale, mais de caractériser la manière dont cette atténuation se répartit dans le spectre audible.
En intégrant ce paramètre, il devient possible de choisir des protections à atténuation régulière, plus naturelles, mieux tolérées et potentiellement mieux portées dans la durée par les salariés.
Sources
Les protections auditives – Guide de choix – ED 6510 – INRS – 09/2023
Bruit au travail : de l’évaluation à la prévention des risques – INRS – 03/2019
Niel J.-S., Nexer G. (2013) – Effet du protecteur individuel contre le bruit sur la communication dans le bruit – HearingProTech.
Norme EN458 – Protecteurs individuels contre le bruit – Recommandations relatives à la sélection, à l’utilisation, aux précautions d’emploi et à l’entretien – Document guide
ISO 4869-1 – Acoustique – Protecteurs individuels contre le bruit – Partie 1: Méthode subjective de mesurage de l’affaiblissement acoustique
Aller plus loin
Consultez l’article sur le Filtre acoustique à atténuation uniforme


