Bruit au travail et hypertension – le risque cardiovasculaire
Bruit au travail et hypertension = risque cardiovasculaire. Si l’on pense souvent au bruit en lien avec les atteintes auditives, ses effets non auditifs, notamment sur la santé et le risque cardiovasculaire, sont moins connus. Pourtant, une exposition prolongée au bruit en milieu professionnel peut entraîner une élévation durable de la pression artérielle, et contribuer au développement de pathologies cardiovasculaires comme l’hypertension. Cet article s’appuie sur une étude rigoureuse menée en Pologne dans une usine de fabrication de meubles pour éclairer ce lien.

Une étude de terrain bien conçue
Menée par le Nofer Institute of Occupational Medicine, l’étude a porté sur 100 hommes répartis en deux groupes :
- 50 exposés au bruit (89,2–92,6 dB(A)) dans l’atelier de production,
- 50 non exposés (travailleurs de l’entrepôt), âgés d’environ 35 ans.
Tous les participants ont bénéficié d’un examen médical complet, d’une audiométrie, et surtout d’un suivi de la pression artérielle sur 24 heures (méthode ABPM), permettant une évaluation précise, y compris pendant la nuit et les heures de travail.
Résultats : le bruit agit sur le cœur avant les oreilles
- Les travailleurs exposés au bruit avaient une pression artérielle moyenne significativement plus élevée (ex. : 138/85 mmHg* pendant la journée contre 129/77 mmHg* dans le groupe témoin).
- 72 % présentaient une élévation de la pression systolique (pression maximale exercée par le sang sur les parois des artères lors de la contraction du cœur) contre seulement 20 % dans le groupe témoin.
- Ces effets étaient observés malgré l’absence de perte auditive significative selon la classification de l’OMS.
En d’autres termes, le système cardiovasculaire réagit au bruit bien avant l’apparition d’une surdité.
Un dépistage classique souvent insuffisant
Les mesures ponctuelles en cabinet n’avaient pas permis de repérer ces troubles. Seul l’ABPM (mesure ambulatoire sur 24 heures) a mis en évidence :
- une élévation de la pression artérielle pendant le travail,
- une chute nocturne exagérée chez certains sujets.
Cela suggère que les examens périodiques classiques peuvent ne pas détecter certaines altérations cardiovasculaires induites par le bruit, pourtant potentiellement graves à long terme.
Quels mécanismes physiopathologiques ?
Le bruit active le système nerveux autonome, entraînant :
- vasoconstriction,
- augmentation du débit cardiaque,
- sécrétion accrue de cortisol et d’adrénaline.
Ces mécanismes sont connus pour favoriser l’hypertension artérielle, notamment lorsque l’exposition est chronique.
Recommandations pour la pratique en santé au travail
- Intégrer une évaluation cardiovasculaire dans le suivi des travailleurs exposés au bruit, même sans perte auditive.
- Envisager l’ABPM chez les sujets à risque ou présentant des symptômes (palpitations, maux de tête, fatigue).
- Sensibiliser les travailleurs et les encadrants à ce risque cardiovasculaire souvent méconnu.
- Renforcer les mesures de réduction du bruit à la source et le port effectif des protections auditives.
Conclusion
Le bruit n’affecte pas uniquement l’oreille : il impacte aussi le cœur et les vaisseaux. Les données de cette étude de terrain confirment la nécessité d’une approche globale en prévention du risque bruit. Le dépistage cardiovasculaire, notamment par ABPM, devrait faire partie intégrante du suivi des travailleurs exposés.
*mmHg signifie millimètres de mercure (millimeters of mercury en anglais). C’est l’unité de mesure traditionnelle de la pression artérielle, qui provient de l’époque où les mesures étaient faites à l’aide de colonnes de mercure dans les tensiomètres.
Source
Bortkiewicz A., Czaja N., Dudarewicz A., Pawlaczyk-Łuszczyńska M. (2023). Non-auditory health effects related to noise exposure in the working environment. ICSV29 – International Congress on Sound and Vibration, Prague, July 2023.
Aller plus loin
Lire l’article sur les conséquences extra auditives du bruit au travail